Plus de 55 ans après la publication de ce classique de la SF (que l’autrice de ces lignes avoue humblement ne pas avoir lu), le mystère autour de la nature de l’épice, cette substance indispensable aux voyages intergalactiques à travers l’Imperium, reste toujours entier. Le sujet a été relancé par la sortie du film de Denis Villeneuve en septembre dernier (que l’autrice de ces lignes est allée voir) et c’est ainsi qu’un éminent collègue chimiste organicien s’est proposé de détricoter les différences indices semés par Herbert le long de la saga pour en savoir plus sur la composition de l’épice. Au final, plusieurs petites molécules (ou familles de molécules) organiques connues seraient susceptibles de faire partie de la recette du célèbre mélange. Néanmoins, sur Top of the Prots on s’est dit que parmi les composants proposés, ça manquaient singulièrement de protéines (ou de peptides), alors même que beaucoup des molécules rencontrées sur ce blog feraient d’excellentes candidates pour entrer dans le club très sélect des ingrédients de l’épice. Aujourd’hui on vous propose donc un petit passage en revue des challengers !

Avant de démarrer : On s’étonnera que dans l’univers développé autour de Dune, on maitrise les voyages interstellaires, mais la chimie analytique semble en être à ses balbutiements. C’est fort dommage pour les héros de la saga, alors que le passage d’un échantillon d’épice dans un spectromètre RMN, ou un spectromètre de masse, ou une chromatographie… permettrait certainement d’en savoir plus sur sa composition. Ce qui ouvrirait la voie vers un mode de production moins coûteux que de se rendre à l’autre bout de la galaxie, et éviterait sans doute une fin tragique à certains des personnages (en contrepartie le Cycle de Dune n’aurait peut-être pas fait six tomes, mais ça c’est une toute autre histoire).

Si l’on reprend la liste des informations disponibles sur l’épice, on a donc les points suivants :

  • C’est un produit d’origine animal, or sur ce blog on a déjà rencontré plein de bestioles qui se distinguent par leur capacité à produire des protéines (ou des mélanges de protéines) remarquables. Parmi elles, les myxines, ces fabricatrices de mucus de compétition, pourraient jouer le rôle de cousines terrestres des terribles vers des sables.
  • Sa couleur est changeante, selon son environnement l’épice peut adopter des teintes rouge-brune ou bleue. On peut donc imaginer quelle contient des globines, qui vont changer de couleur selon le degré d’oxydation de l’atom de fer en leur centre. Et pour la teinte bleue, l’hémocyanine (avec son ion cuivre) et la ranasmurfine (et son atome de zinc) sont de parfaites candidates.
  • Elle a une odeur de cannelle, si les protéines nous aident certes à percevoir les odeurs, je n’en connais cependant aucune qui aurait elle même ce parfum. Par contre on sait que de nombreuses molécules aromatiques sont produites lors de réactions chimiques entre des protéines et des sucres, par exemple lors de la réaction de Maillard, qui se produit lors de la cuisson des viandes. On peut donc aisément imaginer que ce soit la modification d’une protéine lors du processus de production (qui comprend une étape de fermentation) qui soit à l’origine du parfum de l’épice.
  • Elle a des propriétés hallucinogènes : Les molécules psychotropes vont interagir avec des récepteurs placées à la surface de la membrane cellulaire et perturber leur fonctionnement normal (soit en bloquant ceux-ci, soit au contraire en les sur-stimulant). C’est également le cas de certaines toxines, qui sont parfois des petits peptides, l’épice pourrait donc contenir des peptides susceptibles de se fixer aux récepteurs de la sérotonine (qui sont ciblés par les substances hallucinogènes comme le LSD), ou aux transporteurs de la sérotonine (qui sont eux classiquement ciblés par les antidépresseurs).
  • Elle a un effet anti-âge, ça c’est clairement un job pour les télomérases. L’épice pourraient donc contenir celles-ci, ou une substance qui stimule leur production ou leur activité dans la cellule…

Si l’épice est un assemblage de protéines et peptides, cela signifie également que l’on pourrait envisager d’exploiter le génie génétique pour sa production au lieu d’avoir recours à des synthèses chimiques complexes. Après avoir identifié les gènes codants ces protéines dans le génome des vers de sables, il suffiraient de les implanter dans des vers domestiques capables de s’acclimater sur d’autres planètes que la lointaine Arrakis. Et si finalement, la survie économique de l’Imperium passait par l’installation de lombricomposteurs OGM dans toutes les cuisines ?