Les sécrétions biologiques animales sont souvent riches en protéines, c’est par exemple le cas de la salive des chauve-souris vampires, dont on a vu qu’elle contenait des protéines anti-coagulantes. Mais c’est également le cas de notre propre salive, qui contient plus d’un millier de protéines différentes. Si bien qu’on envisage désormais de remplacer les prises de sang par des tests salivaires pour accéder à un certain nombre de paramètres physiologiques.
Parmi les protéines salivaires, on trouve des enzymes chargée de dégrader nos aliment (comme les protéases qui s’attaquent aux protéines, ou l’amylase, qui s’occupe de digérer l’amidon de notre pain quotidien), et aussi des anticorps divers et variés, qui lui confèrent des propriétés désinfectantes. Mais j’ignore si cet aspect est à l’origine de la légende du célèbre bisou magique, qui est souvent aussi un bisou baveux, que tout parent est un jour amené à faire à sa progéniture souffrante…

Dans notre salive il y a également des mucines, de grandes glycoprotéines qu’on trouve dans les mucus, c’est à dire dans les sécrétions visqueuses. Elles servent notamment à empêcher les bactéries d’adhérer à nos dents et nous protègent donc des caries. Plus généralement, de nombreux animaux sécrètent du mucus (les amphibiens, les escargots et les poissons), mais le plus surprenant d’entre tous est probablement celui de la myxine.
Les myxines sont une famille d’animaux aquatiques allongés et ressemblant vaguement à des anguilles, sauf qu’elles sont dépourvues de colonne vertébrale et de mâchoire, ce qui ne les empêche pas d’arborer quatre rangées de dents pointues du plus bel effet :

Mais en vrai on comprend mieux pourquoi en anglais on les appelle des Hagfish
(soit le Poisson vieille sorcière…)
Cette absence de colonne vertébrale leur confère aussi la faculté de faire des noeuds avec leur corps :

Mais ce qui leur vaut les honneurs de ce blog, c’est le mucus qu’elle produisent via les 150 pores disséminés sur tout le corps et qui leur sert de défense contre les prédateurs. En effet, lorsqu’elles sont attaquées, les glandes visqueuses de la myxine vont expulser des fibres sèches de mucines, qui vont immédiatement d’hydrater, énormément gonfler (5g de mucine aboutissent à la formation de 20L de mucus) et former un matériau remarquablement visqueux et résistant. On passe alors en une fraction de seconde de petites pelotes de protéines de 100μm de diamètre, à des fibres de 10cm de long. Le mucus ainsi produit va obstruer la bouche et les ouïes du prédateur qui s’empresse alors de recracher ce casse-dalle récalcitrant (et franchement dégueu il faut bien le dire).
Et c’est comme-ça qu’en 2017, une autoroute d’Oregon s’est retrouvée noyée sous le mucus après qu’un camion transportant des myxines se soit renversé sur la chaussée :
Tout répugnant qu’il soit, le mucus de myxine fait la joie des chercheur·se·s de la Navy américaine, qui ont tenté de le reproduire en isolant ses deux protéines constitutives, et en intégrant les gènes codant ses protéines dans des bactéries. Côtés applications, les idées ne manquent pas, puisque le gel ainsi formé pourrait servir de couche protectrice pour les plongeurs (ce qui explique les recherches militaires), de bio-alternative au Kevlar, mais aussi d’alternative à la gélatine traditionnelle (faite à base de collagène) qui nécessite d’être chauffée pour se gélifier.
Bref, devant ce drôle d’animal ne faites pas la fine bouche, car il n’est pas impossible qu’un jour la bave de la myxine atteigne votre cuisine !
Pour en savoir plus : Plein de photos et de vidéos de myxines très moches sur le blog SSAFT