Le développement de la cristallographie a représenté une avancée cruciale pour la détermination de la structure tri-dimensionnelle des protéines, et l’écrasante majorité (près de 90%) des structures disponibles dans la PDB en 2018 a été obtenue par cette méthode. Néanmoins les protéines sont parfois des petits êtres retors et certaines sont tout simplement impossibles à cristalliser. Il a donc fallu développer d’autres approches pour élucider la structure de ces fortes têtes.

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(image de Natacha Gillet)

Dès le début des années 60, les chercheurs se sont penchés sur les potentialités de la Résonance Magnétique Nucléaire pour l’obtention de structures protéiques. La RMN (connue également en imagerie médicale sous le nom d’Imagerie par Résonance Magnétique) exploite le fait que certains atomes, que l’on peut justement trouver dans une protéine (l’hydrogène, mais aussi des isotopes du carbone, de l’azote ou de l’oxygène) vont réagir lorsqu’ils sont placés dans un champ magnétique (on dit qu’ils entrent en résonance). Et cette réaction dépendra de l’environnement local de l’atome considéré. Le spectre RMN d’une protéine nous apporte donc tout un tas d’informations sur l’environnement local de chacun des atomes d’hydrogène de la molécule (et notamment quels types d’acides aminés se trouvent à proximité de celui-ci). En recoupant ces informations, on peut alors (non sans peine !) remonter à la structure globale de la protéine.

Les premières structures pour des protéines de taille moyenne furent obtenues par cette méthode dans le courant des années 80, et le premier dépôt d’une structure RMN dans la PDB eu lieu en 1989. En 2002 les travaux associés au développement de cette méthode recevaient un prix Nobel de Chimie, et 15 ans plus tard, environ 10% des structures déposées dans la PDB ont été produites par spectrométrie RMN.

Tout ce que les objets vivants peuvent faire peut être compris à partir des mouvements d’agitation et de vibration des atomes.

R. Feynman, (2000) Leçons sur la physique. Ed. Odile Jacob.

S’il existe des molécules qui illustrent à la perfection cette citation du physicien Richard Feynman, ce sont bien les protéines. En effet, pour l’immense majorité d’entre elles, leur activité biologique est non seulement déterminée par leur structure, mais aussi par leur dynamique interne. C’est-à-dire leur flexibilité, et tous les mouvement et déformations, que ce soit au niveau de quelques résidus ou à l’échelle de toute la molécule, qu’elles sont susceptibles de présenter en exécutant leur fonction. Or dans le diffractomètre, toutes congelées qu’elles sont à -173°C, nos petites protéines se tiennent bien alignées au garde à vous. C’est certes fort pratique pour leur tirer le portrait avec une netteté sans pareille, mais en ce qui concerne l’observation des mouvements fonctionnels de ces machines miniatures, ça rend les choses un peu plus compliquées.

Dans le spectromètre RMN, l’ambiance est disons, nettement moins rigide. Les protéines sont en solution à température ambiante (autour de 20°C) et peuvent joyeusement remuer leur popotin. Bien sur, cela ne facilite pas la tache des chercheurs qui tentent de déterminer leur structure, mais cette agitation va permettre d’accéder à des ensembles conformationnels : Soit des groupes de structures proches mais qui présentent de légères variations, et qui nous informent ainsi sur des changements de forme qu’une protéine peut subir dans l’exercice de ses fonctions.

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Une soirée dans le spectromètre RMN, allégorie.

La spectroscopie RMN représente donc une alternative de choix à la cristallographie, mais néanmoins elle a également ses limitations. Elle nécessite en effet d’avoir une plus grande quantité de protéines à disposition (ce qui n’est pas toujours aisé) et fut longtemps limitée à des molécules de taille moyenne (en dessous de 300 résidus). Récemment les progrès méthodologiques ont permis de repousser cette limite et la structure de gros systèmes protéines comportant plus de 1000 résidus est devenue accessible à la RMN.