Nous avons déjà vu que de nombreuses protéines sont impliquées dans la perception de notre environnement, que ce soit pour l’odorat, la vue ou le goût. C’est également le cas du toucher, où deux récepteurs membranaires, piezo1 et piezo2 (de la racine grecque piézein, qui signifie presser ou appuyer) vont jouer un rôle clé.

Ces deux récepteurs sont chacun constitués d’un canal central, associé à une hélice formée de trois longues pales insérées dans la membrane lipidique. Cette hélice va être sensible aux déformations de la membrane cellulaire (qui peuvent par exemple être induites par des variations de la pression sanguine), ce qui va entraîner l’ouverture du canal et le passage d’ions Ca2+ vers l’intérieur de la cellule. On va alors parler de récepteurs mécanosensibles, qui permettent à la cellule de percevoir les variations de pression de son environnement et de répondre à celles-ci.

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Deux vues (du dessus et de côté) des récepteurs piezo1 (à gauche, pdb 6bpz) et piezo2 (à droite, pdb 6kg7), les flèches bleues indiquent le sens de passage des ions calcium qui entrent dans la cellule lorsque le récepteur est ouvert. 

Piezo1 et piezo2 sont essentiels à de nombreuses fonctions physiologiques (comme la régulation de la tension artérielle ou la proprioception), mais il existe également un mutant de piezo1 qui entraine une déshydratation de la cellule. Cette mutation est particulièrement présente chez les personnes vivant dans les zone à risque de paludisme, car les cellules déshydratées ont alors une résistance accrue à ce parasite.

D’autres récepteurs mécanosensibles existent dans le vivant avec des formes variées, NOMPC par exemple ressemble à un gros ressort qui s’enfonce à l’intérieur de la cellule et va se fixer à son cytosquelette. Ce sont donc les déformations de celui-ci qui entraineront l’ouverture ou la fermeture du canal ionique.

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Une vue latérale du récepteur mécanosensible NOMPC de la drosophile (pdb 5vkq). Les extensions en hélice qui s’enfoncent dans la cellule vont se fixer aux microtubules. La flèche bleue indique le sens de passage des ions lorsque le récepteur est ouvert.

D’autres protéines sont sensibles à la pression via la piezoélectricité. Un matériau piézoélectrique possède la faculté de produire un champ électrique lorsqu’il subit un pression, et inversement, de se déformer lorsqu’on lui impose un champ électrique. cette propriété a été initialement mise en évidence par Pierre Curie à la fin du XIXème siècle dans certains cristaux. Elle est notamment exploitée dans le quartz de nos montres, qui se met à osciller régulièrement lorsqu’on lui applique une tension électrique.

Au cours du XXème siècle les propriétés piezoélectriques de plusieurs protéines telles que le collagène (de nos os), le lysozyme (que l’on trouve dans le blanc d’oeuf ou nos larmes) ou la fibroine de soie ont également été mises en évidence et intéressent particulièrement les scientifiques. C’est ainsi qu’un groupe de recherche australien s’est notamment penché sur les capacité de production et de stockage de l’énergie par des fibres de soie. L’objectif à terme de ces travaux est la mise en place de matériaux biocompatibles permettant de générer de l’énergie dans des dispositifs miniaturisés et implantables dans l’organisme. En effet, même si l’effet piezo électrique observé dans les protéines est 10 à 100 fois plus faible que celui obtenu dans des matériaux modernes (tels que les céramiques), il reste néanmoins suffisant pour activer de petits appareils médicaux tels qu’un pacemaker par exemple.

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