L’odorat n’est pas le seul de nos sens qui s’appuie sur des protéines pour fonctionner, nos yeux sont également une petite merveille de biotechnologie riche en protéines.

Au coeur des cellules rétiniennes, on trouve tout d’abord la rhodopsine. Ce récepteur photosensible, c’est à dire qu’il va réagir à la lumière, est en fait un complexe constitué de deux entités moléculaires : Une matrice protéique, l’opsine, et en son sein un petit ligand, le rétinal. Lorsqu’un rayon lumineux transmet de l’énergie au rétinal, celui-ci change de forme (on parle d’isomérisation de l’état cis vers l’état trans). Il va alors partir en vadrouille dans la cellule et déclencher toute une cascade de réactions (impliquant également des protéines), qui aboutiront à la transmission d’un signal nerveux, via le nerf optique, jusqu’au cerveau. Un fois sa promenade achevée, le rétinal retrouve sa forme cis et s’en va bien sagement regagner ses pénates au coeur de l’opsine.

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Il arrive parfois que le petit cis-rétinal se perde sur le chemin du retour, causant ainsi beaucoup de souci à son opsine.

Le rétinal est fabriqué par notre organisme à partir de vitamine A, une molécule elle même dérivée de la pro-vitamine A, aussi connue sous le nom de β-carotène, et que l’on trouve dans les aliments oranges tels que les abricots ou les carottes. C’est pourquoi on dit souvent de ces dernières qu’elles sont bonnes pour la vue (en plus de nous donner les fesses roses).

L’opsine quant à elle appartient à la grande famille des GPCR (G protein coupled receptors), un groupe de protéines membranaires comportant sept hélices α. Elle a donc pour cousins les récepteurs olfactifs que nous avons rencontrés plus tôt. Mais alors que ceux-ci réagissent lorsqu’une molécule odorante vient se fixer à leur surface, la rhodopsine est elle activée par un signal lumineux.

Notre rétine humaine comprend deux grandes catégories de cellules. Tout d’abord il y a les bâtonnets, où l’on trouve la rhodopsine. Ceux-ci sont dédiés à la vision à basse luminosité et n’apportent pas d’information concernant les couleurs à notre cerveau. Et puis on trouve les cônes, qui sont eux des cellules dédiées à la vision de jour et en couleurs. Pour ce faire ils existent en trois types, chacun d’entre eux contenant une variante de la rhodopsine, une iodopsine, qui absorbera préférentiellement la lumière pour une longueur d’onde donnée (vers le bleu, le vert ou le rouge). C’est la combinaison des signaux transmis par ces trois types de cônes qui nous permet de voir le monde en technicolor.

Avec nos trois iodopsines, nous sommes donc plutôt bien servi·e·s par rapport aux mammifères non primates, qui n’ont que deux pigments, et pas trop mal loti·e·s par rapport aux poissons, reptiles et oiseaux, qui eux en possèdent quatre. Mais tout cela reste néanmoins ridicule par rapport à l’éblouissante crevette-mante-paon, un petit (mais costaud) crustacée à la robe chamarrée, qui sème la terreur au fond des océans, et dont les yeux comprennent non pas 2, 3 ou 4, mais pas moins de 12 pigments, qui leurs permettent notamment de percevoir les ultra-violets !

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Si ça se trouve, 12 pigments, c’est juste le minimum syndical pour contempler une crevette-mante-paon dans sa tenue bigarrée sans avoir la rétine qui saigne… (Image, (c) George Grall, National Aquarium)