Comme on peut aisément le deviner, les cristallines sont présentes dans le cristallin, la lentille naturelle de l’oeil placée derrière l’iris et dont la mission est de faire converger les rayons lumineux sur la rétine. Si l’on parle de cristallines au pluriel, c’est qu’il s’agit cette fois d’un groupe très large de protéines pouvant présenter des structures secondaires et tertiaires variées (contrairement aux opsines qui ont toutes une structure similaire, caractéristique des récepteurs membranaires de type GPCR). Les classes de cristallines sont désignées via des lettres grecques, et sont parfois caractéristiques de certains groupes d’espèces. Ainsi, on trouve des cristallines α, β et γ chez les vertébrés, les classes β et γ présentant une structure en feuillets. Chez les oiseaux et les reptiles on trouve également des cristallines de type δ, qui arborent elles de magnifiques hélices.
La dénaturation au fil du temps des cristallines (notamment sous l’effet des UV) va entrainer l’opacification du mélange eau-protéines du cristallin qui caractérise la cataracte. Le cristallin peut alors être enlevé lors d’une opération, où il sera remplacé par une lentille artificielle.
La composition du mélange de cristallines présent dans le cristallin va déterminer son indice de réfraction, c’est à dire la façon dont les rayons lumineux qui le traversent vont être déviés. Chez le calmar, qui possède lui un cristallin sphérique, et non en forme de lentille comme chez les humains, cet indice de réfraction varie continûment au fur et à mesure que l’on s’éloigne de son centre. Ce qui fait du cristallin du calmar un lentille parfaite et donnant des images d’une grande netteté et sans aberration (les déformations de l’image qui peuvent justement être dues à un défaut de la lentille). Cette variation de l’indice de réfraction vient du fait que la densité et la composition du mélange de cristallines varient elles aussi dans le cristallin. Au centre de celui-ci on trouve un réseau dense de S-cristallines, qui vont progressivement s’écarter les unes des autres quand on se dirige vers la périphérie. Ces S-cristallines présentent un coeur bien structuré, et avec à sa surface des boucles désordonnées de longueur variable, que l’on peut voir comme autant de bras chargés de maintenir les autres protéines à distance. Les S-cristallines à petits bras (boucles courtes ou même absentes), qui peuvent donc rester proches les unes des autre, sont alors majoritaires dans la composition du mélange au centre du cristallin. Sur les bords, le mélange contient une plus grande proportion de S-cristallines à grand bras (boucles longues) qui éloignent leurs voisines et rendent ainsi la solution eau+protéines moins dense et son indice de réfraction plus faible.

Pour en savoir plus sur le cristallin du calmar : Martin Tiano, Pour la science, Le cristallin du calmar révèle ses secrets