
Beaucoup d’espèces animales se servent des variations du champ magnétique terrestre autour du globe (que ce soit son intensité ou son inclinaison par rapport à l’horizontale) pour s’orienter sur des trajets qui représentent parfois des milliers de kilomètres. Le phénomène de magnétoréception est ainsi exploité par des tortues marines, qui parviennent à retrouver leur plage de naissance après avoir traversé les océans, les saumons, les abeilles, ou encore des espèces de papillons et d’oiseaux migrateurs.
Les origines de ce surperpouvoir ne sont pas encore parfaitement comprises par les chercheur·se·s, et à l’heure actuelle, deux hypothèse ont été formulées (qui ne sont pas forcément incompatibles) :
- Certaines espèces possèdent dans leur organisme des nanocristaux de magnétite, un oxyde de fer (produit par biominéralisation) sensible au champ magnétique de son environnement. Ce matériau a ainsi été retrouvé dans le bec des pigeons domestiques ou encore chez certaines bactéries.
- L’autre candidat pour expliquer la magnétoreception chez les animaux est une famille de protéines (what else ?), les cryptochromes.
Les cryptochromes sont des homologues des photolysases, des protéines chargées de réparer les dommages causés par les rayons UV dans l’ADN. Comme elles, les cryptochromes sont des photorécepteurs sensibles aux UV et à la lumière bleue, mais ils sont quant à eux impliqués dans le rythme circardien. Ces protéines ont également été localisées dans les yeux des oiseaux, et des études ont montré que la magnétoréception aviaire nécessite justement la présence de lumière bleue (en journée, ou au clair de lune) pour fonctionner. Des études sur le CRY1 (un des membres de cette famille protéique) ont montré que l’expression de de cette protéine dans la rétine dépend du comportement migratoire de l’espèce considérée (qu’elle soit non migrante, ou à migration diurne ou nocturne). Qui plus est, un un autre de ces cryptochromes, CRY4, est présent à des niveaux constant chez les oiseaux au cours de la journée (alors que les autres variants présentent de fortes variation sur 24h), et il est surexprimé chez le rouge-gorge à la saison des migrations. Tous ces indices font donc de ces protéines d’excellentes candidates au poste de boussole moléculaire.

Reste à savoir comme ladite boussole fonctionne. Chaque cryptochrome comporte en son sein une flavine (dite FAD), une petite molécule susceptible d’absorber la lumière bleue. Cette absorption d’énergie, combinée à un déplacement d’électron venant des acides aminés voisins va aboutir à la formation d’espèce radicalaires (FAD• et FADH•) dites actives. Il s’agit d’espèces qui présentent des électrons non appariés (célibataires) et dont l’espérance de vie (avant retour à un état inactif) est sensible au champ magnétique environnant, et notamment à ses variations (d’orientation et d’intensité) lorsque que l’oiseau bouge sa tête. Ce signal pourrait alors être associé à celui transmis par les rhodopsines et les informations sur le champ magnétique externe intégrées dans le champ visuel des oiseaux.

Il reste encore beaucoup de choses à apprendre sur le fonctionnement de ce phénomène et notamment s’il pourrait également être présent chez les humains. Une étude récente a ainsi mis en évidence que les ondes cérébrales humaines pouvaient être influencées par le champ magnétique environnant. Mais d’ici à ce qu’on comprenne cet effet plus en détail, on vous déconseille fortement de partir à l’aventure sans carte et sans GPS !
