Sa belle forme de bigoudi (les connaisseurs appellent ça un tonneau β) suffirait déjà pour émerveiller les biochimistes structuraux, mais si les chercheurs s’intéressent à la GFP depuis maintenant plus de cinquante ans, ça n’est pas que pour son physique.

GFP en effet, c’est le petit nom de la Green Fluorescent Protein, dite aussi le surligneur du vivant, qui va émettre une jolie couleur verte lorsqu’elle est éclairée par de la lumière avec une longueur d’onde de 400 nm (soit de la lumière violette). Cette protéine produite par la méduse Aequoria victoria a été découverte par Osamu Shimomura au début des années 60, mais il faudra près de vingt ans de recherches pour percer le secret de sa fluorescence : au centre de son bigoudi, GFP possède un chromophore, soit trois résidus consécutifs (Ser65, Tyr66 et Gly 67) qui ont réagi ensemble et se sont recombinés pour former un nouveau groupe chimique capable d’absorber et d’émettre de la lumière dans le spectre visible, donnant ainsi à la GFP sa couleur caractéristique. En 1994, Martin Chalfie montre qu’il est possible d’exprimer la GFP dans les cellules d’autres organismes que sa méduse originelle, et surtout qu’elle peut être accrochée à une autre protéine d’intérêt, telle une petite remorque lumineuse qui lui collerait aux basques. Un brillant avenir s’ouvre alors à notre bigoudi dans le domaine des biotechnologies, où la GFP va servir de marqueur non invasif, permettant par exemple de suivre d’une mutation génétique. Dans le domaine de l’imagerie, la GFP permet également de suivre la mobilité des cellules ou encore les interactions entre protéines.

Le vert c’est bien joli, mais au bout d’un moment ça devient monotone. Heureusement pour les adeptes de polychromie, la longueur d’onde de la lumière émise par le chromophore est extrêmement sensible à son environnement chimique, et il suffit de quelques mutations bien placées dans la séquence de la protéine pour modifier sa couleur. Les années 2000 ont ainsi permis de découvrir tout un tas de cousines de la GFP chez d’autres organismes marins et présentant de la fluorescence dans le jaune, le bleu ou le rouge. Les techniques d’imagerie cellulaires sont particulièrement friandes de protéines émettant dans le rouge, au delà de 600 nm, car ce sont les longueurs d’onde qui pénètrent le mieux les tissus biologiques, permettant ainsi de suivre le déplacement de molécules en profondeur dans ces tissus.

Dans cette course vers le rouge, Roger Tsien va particulièrement se distinguer en mettant au point avec son équipe de recherche des variants de la GFP via des changement de la séquence originelle. Ces méthodes de mutagénèse permettent également d’améliorer la stabilité et la luminosité des protéines fluorescentes, et vont aboutir à la série des mFruits, soit un arc-en-ciel protéique dont les éléments portent les noms évocateurs de banane, orange, tomate, mandarine, fraise et cerise.

En 2008, le prix Nobel de Chimie vient récompenser les travaux de nos trois compères, Shimomura, Chalfie et Tsien, pour la découverte et le développement de la protéine fluorescente verte. La GFP et ses variants permettent d’observer les processus biologiques et chimiques en cours dans la cellule et jouent désormais un rôle central dans l’imagerie médicale, par exemple pour suivre la croissance de tumeurs cancéreuses. Mais surtout, la GFP nous a permis de produire d’authentiques souris vertes, donnant ainsi vie à nos comptines d’enfance, et ça, ça valait bien un Nobel.
Fluorescence ou bioluminescence ?
Comme son nom l’indique, la GFP est fluorescente, c’est à dire qu’elle va absorber la lumière à une longueur d’onde donnée (essentiellement vers 400 nm), et ensuite émettre de la lumière à une autre longueur d’onde (510 nm dans le cas du modèle vert le plus classique). Ce processus d’absorption/émission se fait sur des temps très courts (quelques ns), si bien que la fluorescence semble cesser dès que l’éclairage de la protéine est interrompu.Certains organismes vivants peuvent quant à eux produire des protéines bioluminescentes, telle que l’aequorine (issue elle aussi de notre méduse fétiche A. victoria), ou encore la luciférase, qui permet aux lucioles d’éclairer nos nuits d’été. Ces protéines émettent de la lumière non pas suite à l’absorption d’un rayonnement, mais dans le cadre d’une réaction chimique qu’elles vont catalyser. La luciférase par exemple, catalyse la réaction d’oxydation de la luciférine, qui va donner lieu à l’émission de lumière dans la gamme jaune-vert.
Et la phosphorescence alors ?
La phosphorescence fait appel aux mêmes mécanismes d’absorption/émission que la fluorescence, mais dans ce cas le processus d’émission lumineuse s’avère être nettement plus lent (de quelques minutes à quelques heures), si bien que l’objet illuminé va pouvoir continuer à émettre de la lumière bien après l’interruption de l’éclairage.