Les plantes à fleurs ravissent nos sens au quotidien, pourtant on ignore souvent que les angiospermes (c’est ainsi que ce groupe végétal est désigné par les scientifiques) ne sont apparus sur terre qu’il y a environ 150 millions d’année, soit très longtemps après les premiers végétaux (il y a environ 400 millions d’années). L’avantage reproductif conféré par les fleurs à ce groupe a permis leur développement fulgurant, au point que les angiospermes représentent aujourd’hui plus de 90% des plantes, et cette histoire longtemps mal comprise fut même qualifiée d’Abominable mystère par Charles Darwin.

À l’échelle moléculaire, on retrouve bien sur des protéines qui vont jouer une rôle clé dans l’apparition et la formation des fleurs dans les végétaux. Et parmi elles, les scientifiques se sont longtemps interrogé·e·s sur le fonctionnement d’un drôle de duo protéique, LEAFY et UFO.

  • LEAFY (dite aussi LFY) est un facteur de transcription. Ce qui signifie qu’elle travaille au sein du noyau cellulaire, et que son job consiste à se fixer sur l’ADN pour réguler la transcription de certains gènes et donc contrôler quelles protéines seront produites par la cellule. En l’occurence, LEAFY est responsable de l’activation des gènes responsables de la formation des différents éléments des fleurs.
  • UFO quant à elle est un peu plus mystérieuse. Cette protéine est en effet constituée de deux domaines, l’un d’entre eux (la F-box) est impliqué dans un complexe associé au phénomène d’ubiquitination (un processus de dégradation des protéines par la cellule), ce qui signifie que les protéines qui interagissent avec UFO sont souvent susceptibles de connaître un destin tragique. Par ailleurs, UFO tire son nom de Unusual Floral Organs, parce que sa mutation entraîne la malformation des fleurs chez les plantes concernées (cf. notre billet sur le nom des protéines).
En cyan, UFO avec sa petite F-box (en hélices α) et sa grande turbine β, structure prédite par AlphaFold sur la base de la séquence protéique (uniprot B2KXD7). En magenta, LEAFY, structure obtenue aux rayons X (pdb 2vy1).

Mais UFO possède également un domaine en turbine β (ou β-propeller), dont on sait qu’il interagit avec LEAFY. Et l’on sait également que, malgré cette interaction, LEAFY se porte comme un charme et ne semble absolument pas dégradée. L’énigme était donc de comprendre comment LEAFY pouvait trouver grâce aux yeux d’UFO et quel était le rôle joué par ce duo dans la production des fleurs.

Ce sont des équipes de recherche grenobloise qui ont trouvé le fin mot de l’histoire, et qui ont résolu la structure de l’assemblage formé par de l’ADN, LEAFY, UFO (et aussi ASK1, une troisième luronne qui vient servir de témoin aux amoureuses) par cryo-microscopie électronique. Ces chercheur·se·s ont notamment pu montrer que l’association avec UFO permet à LEAFY de se fixer à des régions de l’ADN qui lui sont d’ordinaire inaccessibles, et ainsi activer d’autres gènes (eux aussi nécessaires à la formation des fleurs) que ceux qu’elle peut réguler quand elle agit seule.

Photo de groupe de l’assemblage obtenue par cryo-EM. UFO et LEAFY sont toujours en cyan et magenta, le double brin d’ADN associé est en vert et violet, et ASK1 en orange.

Comme quoi, les histoires d’amour entre protéines ne finissent pas toujours mal, et la romance entre UFO et LEAFY fait le bonheur des insectes (et des jardiniers) depuis plusieurs millions d’années.

Pour en savoir plus :