On appelle Doigts de zinc des petits motifs structuraux de formes variées mais qui ont tous pour point commun de contenir en leur centre un ion Zn2+ qui va stabiliser leur repliement. Ce motif a été initialement identifié à la fin des années 80 dans un facteur de transcription, c’est à dire une protéine impliquée dans la conversion de l’ADN en ARN, d’une grenouille sud africain, Xenopus laevis. Il doit son nom à l’allure de acides aminés (cystéines ou histidines) qui maintiennent l’ion zinc en place, tels quatre petits doigts (et on peut donc en déduire que les protéines sont des personnages de dessin animé).

deux exemples de motifs à doigts de zing.

Deux exemples de motifs à doigts de zinc : À gauche, le facteur de transcription de X. laevis, l’ion zinc (en jaune) est maintenu en place par deux cystéines (oranges) et deux histidines (violettes). À droite, le double motif de la protein RING (pour « Really Interesting New Gene », soit « Nouveau Gène Vraiment Intéressant »).

35 ans plus tard, les protéines à doigts de zinc (dites aussi ZNFs, pour Zinc Fingers) sont une grande famille, comprenant une trentaine de sous-catégories, et qui exercent des fonctions variées dans notre organisme. Le motif à zinc permet en effet à la protéine d’interagir avec des acides nucléiques (ADN ou ARN), mais également de fixer diverses molécules. Un unique motif à zinc se liera à une séquence de trois paires de bases particulières de l’ADN. Mais chez les ZNFs l’union fait la force, et ces protéines comprennent donc souvent plusieurs motifs (de 3 à 6), ce qui va leur permettre de cibler des zones très spécifiques d’un gène.

des assemblages macromoléculaires avec des motifs à doigts de zinc.

Divers types d’assemblages de biomolécules avec des motifs à doigts de zinc : À gauche, le facteur de transcription de X. laevis se fixe à l’ADN (en magenta) via six motifs consécutifs. En haut à droite, le quadruple motif de EEA1 lui permet de lier des lipides (en violet) et de les transporter dans la cellule. En bas à droite, GATA (en cyan) doit son nom à la séquence d’ADN liée par son motif, elle forme un complexe avec la protéine FOG en magenta. FOG, c’est pour « Friend Of Gata », « La copine de Gata ». Décidément, le jour où il a fallu nommer les protéines à doigts de zinc, les biochimistes étaient un peu à court d’idées...

Lorsque ce domaine de fixation est associé à un domain protéique en charge de couper l’ADN, on se retrouve avec une nucléase à doigts de zinc, soit une protéique capable de découper l’ADN à un endroit précis. Les doigts de zinc sont donc un outil précieux dans les techniques d’édition du génome même si ces dernières années ils sont restés dans l’ombre du célèbre CRISPR-Cas9.

Mais nos ZNFs n’ont pas pour autant dit leur dernier mot, et elles restent encore au coeur de nombreuses recherches dans le domaine biomédical. Déjà parce qu’elles sont impliquées dans plusieurs pathologies, et notamment certains cancers, ce qui en fait donc des cibles de choix pour l’industrie pharmaceutique. Plus récemment, c’est leur capacité à intercepter l’ARN viral et à initier sa dégradation avant que celui-ci n’envahisse la cellule qui a attiré l’attention des scientifiques. En ces temps de pandémie, les ZAPs (pour Zinc-finger Antiviral Proteins) représentent donc une piste prometteuse dans la lutte contre le SARS-CoV2.

Les quatre motifs à doigts de zinc de cette ZAP lui permettent de se lier à un fragment d’ARN (en magenta)