
Aucun organisme vivant sur Terre n’est seul. Il doit au contraire interagir avec de nombreux partenaires et a donc tout intérêt à avoir une réponse adaptée à chacun d’entre eux. Si on prend le cas d’un mammifère, il lui faudra bien sur accepter ses aliments (plantes, animaux), mais également rejeter des microorganismes qu’ils pourraient contenir.
Des mais pas les microorganismes, certains pouvant être bénéfiques (comme la levure de boulangerie par exemple).
Il est donc important d’avoir un moyen de différencier ce qui va être traité par le système immunitaire, ou pas. Pour compliquer la tâche, les mécanismes de l’évolution entraînent des modifications permanentes des différents microorganismes; l’outil nécessaire doit donc pouvoir s’adapter à tous les cas de figures possibles, y compris des situations qui n’auraient jamais été rencontrées auparavant ! Le super-héros qui réalise cette prouesse est une protéine, l’anticorps, ou plutôt les anticorps car il en existe un nombre quasi infini, chacun ayant pour mission de reconnaître un antigène particulier (sa Nemesis bien à lui).
Comment peut-on générer des solutions quasi infinies face à l’immense variété des antigènes potentiels ? Les cellules qui produisent les anticorps, les lymphocytes, ont un truc : elles font des mélanges dans leurs gènes. Il s’agit d’une propriété dont la découverte a valu le prix Nobel de Médecine à son découvreur Susumu Tonegawa1.
Un anticorps est constitué d’une partie invariante (en rose et saumon sur la figure plus haut) et d’une partie variable (en jaune sur la figure plus haut). La partie variable est constituée de plusieurs séquences primaires en acides aminés pour chacune desquelles nous avons plusieurs versions. Pour chaque segment une version va être conservée, ce qui va entraîner la génération d’une combinaison originale par chaque lymphocyte. Si celui-ci se retrouve porteur des anticorps qui permettent de reconnaître un antigène en train d’attaquer notre organisme, il sera multiplié, mais également conservé en mémoire en vue d’une attaque ultérieure. C’est ainsi que fonctionne la vaccination : on présente à notre corps un antigène qui va se retrouver intégré au grand fichier des trucs susceptibles de nuire à notre organisme. Et la prochaine fois qu’il pointera le bout de son nez il sera impitoyablement éliminé par une escadrille d’anticorps spécialement produits pour le combattre.
Une propriété importante des anticorps est qu’ils reconnaissent d’autres molécules de manière plus ou moins spécifique. Il arrive ainsi que deux organismes très différents possèdent des antigènes qui sont reconnus par un même anticorps. Le problème avec cette polyvalence de nos petits combattants d’élite, c’est que du coup on peut parfois développer une allergie (c’est à dire une réaction immunitaire indésirable et souvent gênante) à un organisme auquel on n’a pourtant jamais été exposé2. Il y a par exemple une allergie croisée entre acariens et escargots…
Les anticorps permettent de reconnaître les ennemis, mais comment reconnaître les amis ? Reconnaître des organismes avec lesquels il est possible d’établir une symbiose est important !
Une partie de la réponse consiste en l’élimination des lymphocytes qui portent des anticorps posant problème. Mais des erreurs dans ce mécanisme seront associées à des maladies auto-immunes.
1. Tonegawa, S. (1983). Somatic generation of antibody diversity. Nature, 302(5909), 575-581.
2. Fernandes, J., Reshef, A., Patton, L., Ayuso, R., Reese, G., and Lehrer, S. B. (2003). Immunoglobulin E antibody reactivity to the major shrimp allergen, tropomyosin, in unexposed Orthodox Jews. Clinical and Experimental Allergy, 33(7), 956-961.