Si les microtubules tiennent lieu de réseau routier dans la cellule, alors la kinésine et la dynéine sont ses poids lourds. Ces deux protéines motrices carburent à l’ATP (une petite molécules qui sert de source d’énergie principale à la cellule) et ont pour mission de transporter des gros objets (appelés aussi cargos) à travers le cytoplasme. En effet, il ne faut pas oublier que l’intérieur d’une cellule est blindé comme une rame de métro aux heures de pointe (on peut s’en faire une petite idée en regardant cette superbe illustration de David Goodsell). Autant les petites molécules parviennent à s’y déplacer d’un bout à l’autre sans trop de difficultés, autant les objets plus volumineux, tels que les vésicules ou les mitochondries, auront absolument besoin d’aide pour s’y frayer un chemin. Les protéines motrices vont donc jouer les coursiers cellulaires et trottiner joyeusement le long des microtubules en y traînant leur grosse cargaison, et si celle-ci s’avère trop lourde elles peuvent même se mettre à plusieurs pour la déplacer.
Kinésine et dynéine se distinguent tout d’abord par leur sens de déplacement. Les microtubules sont en effet des fibres polarisées, avec une extrémité portant une charge positive et l’autre portant une charge négative. La kinésine va migrer du pôle – vers le +, soit le plus souvent du centre de la cellule vers sa membrane, tandis que la dynéine parcourt le chemin inverse en direction du cœur de la cellule. Une fois à destination, nos joyeux coursiers se détachent du microtubule qu’ils viennent de parcourir et nagent dans la cellule jusqu’à trouver une nouvelle mission de transport sur un autre microtubule. Il va donc arriver que nos compères se croisent en chemin, mais on ignore encore ce qu’ils peuvent bien se raconter…
De plus nos coursiers ont beau avoir des fonctions similaires dans la cellule, ils arborent chacun un look qui lui est propre :
- La kinésine est constituée de deux longues chaînes entrelacées, terminées d’un côté par un domaine qui va se fixer à la cargaison et à l’autre bout par deux énormes pieds qui vont se déplacer le long du microtubule. Pour vous faire une idée plus précise de la taille des pieds, disons que si la kinésine était un petit bonhomme d’1m80, il chausserait du 56, de quoi se faire appeler Bozo la protéine dans la cour de récré !
On trouve en ligne plein de belles vidéos montrant des simulations de l’intérieur d’une cellule. Notre préférée (et une des plus connues), c’est Innner Life of the Cell, où vous pourrez admirer, entre autres merveilles, la balade de la kinésine le long d’un microtubule (à partir de 3min35s)
- De son côté, la dynéine n’a pas été non plus très gâtée par Mère Nature. Sous une grosse tête où va se fixer la cargaison, on trouve deux immenses guiboles avec certes au bout des pieds de taille raisonnable, mais aussi deux énormes genoux du plus bel effet.

Mais leur physique ingrat n’empêche pas nos protéines d’être des sprinteuses de premier ordre. La kinésine parcourt en moyenne 1 μm (soit 10-6 m) par seconde, ce qui lui permet de traverser la cellule en une dizaine de secondes. Cela peut vous sembler ridicule, mais pour atteindre cette vitesse avec ses gros pieds de 10 nm (soit un centième de μm) de long, la kinésine effectue une centaine de pas à chaque seconde. À ce rythme, un humain avec une foulée d’1 m de long pourrait courir à 366 km/h.
Ah là, tout de suite, on fait moins les malins !