Notre perception du goût passe par un ensemble de protéines, principalement logées à la surface des papilles gustatives de notre langue, et qui nous permettent d’identifier les cinq saveurs de base (salé, sucré, acide, amer et umami) et toutes les variantes autour de celles-ci. Pour chaque type de saveur les scientifiques ont pu associer une famille de gènes (et donc de protéines) bien spécifiques, mais nous sommes encore très loin de connaître toutes les protéines associées au sens du goût.

Ainsi, les saveurs sucrée et umami (qui est souvent associé au goût de viande et plus particulièrement à l’acide aminé glutamate) viennent de l’activation de la famille de récepteurs TAS1R (pour Taste Receptor, tout simplement), qui fonctionnent sous forment de dimères. L’amertume est perçue grace aux récepteurs TAS2R, et ces protéines sont très semblables à nos récepteurs olfactifs (elles comportent sept hélices alpha ancrées dans la membrane). Pour ces deux familles de récepteurs, des petites molécules (ou parfois même des protéines) vont se fixer à leur surface, ce qui va initier un signal aboutissant à la sensation de goût dans notre cerveau. Et comme leurs cousins olfactifs, ces récepteurs gustatifs sont sensibles à la chiralité des molécules qui vont interagir avec eux. Ce qui signifie par exemple que les acides aminés n’ont pas le même goût, selon que l’on considère leur forme L (la plus courante dans la nature) ou D.

L’hétérodimère TAS1R2-TAS1R3 (en magenta et cyan, pdb 5x2m) permet la perception du goût sucré, tandis que TAS2R (en vert TAS2R, pdb 8xqt) sert à la perception de l’amertume.

La perception des goûts salé et acide repose quant à elles sur des canaux ioniques, soit des protéines qui permettent à des ions de traverser la membrane cellulaire. Le canal à sodium SCN permet de percevoir le sel (via ses ions Na+), tandis que les otopétrines forment des canaux à protons responsable de la sensation d’acidité chez les mammifères.

Le canal à sodium (en orange, pdb 7dtd) nous permet de percevoir le salé, tandis que le canal à protons (en violet, pdb 6nf6) sert à la perception de l’acidité.

Mais toutes les espèces ne sont pas également dotées en récepteurs gustatifs, et l’assortiment de protéines dont elles disposent pour apprécier leur nourriture est souvent lié à leur régime alimentaire. Au fil de l’évolution, certaines espèces ont ainsi perdu leur capacité à percevoir certaines saveur tandis que d’autres disposent d’un large arsenal de récepteurs. Parmi les vertébrés, les amphibiens possèdent ainsi le plus large répertoire de chémorécepteurs (pour la perception des goûts et des odeurs). Cette particularité est peut-être due au fait qu’au cours de leur cycle de vie, les amphibiens sont amenés à occuper, et à se nourrir dans, des habitats variés (aquatique et terrestre). Inversement, le répertoire en récepteurs gustatifs des mammifères marins est particulièrement appauvri, ce qui serait du à une alimentation où les proies sont avalées toutes entières. C’est également le cas des pingouins, qui sont privés des récepteurs de type TAS1R et TAS2R, et ne peuvent dont percevoir que le salé et l’acidité.

Du côté des mammifères, on sait également que le panda n’exprime plus la protéine TAS1R1, nécessaire pour percevoir l’umami, et que cette évolution est associé au passage au régime herbivore de l’espèce (qui appartient à l’origine à l’ordre des carnivores). Chez les chats, c’est la protéine TAS1R2 qui fait défaut, si bien que ceux-ci sont indifférents au sucre. Par ailleurs, comme toutes les autres protéines, les récepteurs gustatifs d’une même famille présentent souvent des petites variation de séquence d’une espèce à l’autre. Ainsi, une étude récente sur les récepteurs TAS1R1-TAS1R3 (qui servent pour sentir l’iumami) chez le chat a montré que, du fait de cette variabilité en séquence, ces protéines ne sont pas activées pas les mêmes molécules (ou pas avec la même intensité) que leurs équivalents humains. Et parmi les molécules qui vont entraîner une sensation d’umami particulièrement forte chez les chats, on trouve notamment des composés très présents dans le thon. Ce qui viendrait expliquer la passion de nos compagnons félins pour ce poisson.

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