En cette période de fêtes où notre appareil digestif est mis à rude épreuve, il est grand temps de rendre hommages aux protéines qui nous permettent de dégrader, et donc d’assimiler, notre nourriture. Parmi elles, la pepsine (du grec « pepsis », digestion) joue un rôle particulier dans l’histoire de la science des protéines, puisqu’elle fut découverte dès le début du 19ème siècle. En effet, les enzymes présentes dans les sucs digestifs étaient faciles à obtenir en grandes quantités et à conserver, puisqu’elles doivent rester stables dans des environnements acides tels que notre estomac. Et elle fut également l’une des premières protéines cristallisées en 1928.

La pepsine est une protéinase, c’est donc une enzyme qui catalyse la rupture des liaisons peptidiques dans les protéines de notre alimentation. Présente dans l’estomac (son activité est optimale en milieu acide) elle initie le processus de digestion qui se poursuivra ensuite dans les intestins. Mais une protéine qui dégrade les protéines, dans un organisme vivant, ça peut causer des dégâts. La pepsine contribue d’ailleurs au brulures ressentis dans l’oesophage en cas de remontées acide, ça n’est donc pas l’amie des femmes enceintes. C’est pourquoi, afin de ne pas se faire autodigérer, les cellules de l’estomac ne produisent pas directement de la pepsine, mais plutôt du pepsinogène, soit une forme inactive de l’enzyme sur laquelle on a ajouté comme une « bouchon » de 40 acides-aminés qui bloque l’accès au site actif de la protéine. Quand le pepsinogène se trouve en milieu acide, le « bouchon » saute et l’enzyme se met au travail. Cette conversion du pepsinogène en pepsine est même autocatalytique, puisque les molécules de pepsine peuvent à leur tour activer les pepsinogènes qui les entourent.

À gauche : Pepsine humaine (pdb 1pso) en magenta avec les deus résidus aspartate responsables de l’activité catalytique en cyan. À droite : pepsinogène de porc (pdb 3psg) en cyan, avec son « bouchon » peptidique en magenta.

Depuis deux siècles la pepsine connait des utilisations variées, notamment dans le domaine agro-alimentaire :

  • Associée à la chymosine (une enzyme de la même famille), elle entre dans la composition de la présure qui permet de transformer le lait en fromage.
  • Elle est utilisée dans l’industrie pour modifier la texture d’aliments comportant des protéines.
  • Elle permet également de dissoudre la gélatine des vieux films photographiques afin de récupérer l’argent qu’ils contiennent.
  • Au 19ème siècle, on trouvait des gommes à mâcher contenant de la pepsine et censées faciliter la digestion.
  • Plus généralement, la pepsine est présente dans les compléments alimentaires. Elle est ainsi passée à la postérité littéraire dans La Recherche du temps perdu, où la vieille tante Léonie du narrateur ne manque jamais l’heure « ni de la pepsine, ni des vêpres » (reste à savoir lequel est le plus important pour sa digestion).

Quoiqu’il en soit à l’heure du réveillon, et devant votre deuxième tranche de bûche au chocolat, n’oubliez pas de lever votre verre à la pepsine et ses copines !

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