On le répète sans cesse sur ce blog, les protéines sont essentielles au bon fonctionnement des cellules. Mais à l’échelle d’un organisme tout entier, la survie de celui-ci nécessite parfois la mort de certaines cellules. Et le bourreau sera également une protéine.
On appelle apoptose, le processus de mort cellulaire programmée qui peut être employé par un organisme pour éliminer certaines de ses cellules. Ce phénomène joue un rôle central lors de la morphogénèse des êtres vivants en leur permettant d’acquérir leur forme finale (par exemple avec la régression de la queue de tétards quand ceux-ci se transforment en grenouilles), ou lorsque les télomères rabougris d’une cellule viennent signaler que sa dernière heure est venue. Contrairement au phénomène de nécrose, qui est une mort cellulaire non programmée par l’organisme et induite par des phénomène extérieure, l’apoptose est un processus qui n’engendre pas d’inflammation (et donc d’intervention du système immunitaire). Inversement, le dysfonctionnement du mécanisme d’apoptose peut-être associé à plusieurs pathologies et notamment l’apparition de cellules cancéreuses.
Au coeur de ce phénomène on trouve l’apoptosome, un gros complexe (comprenant de dix à vingt protéines assemblées) dont la formation signe l’arrêt de mort de la cellule. En temps normal, les différents éléments constitutifs de l’apoptosome sont présents dans la cellule, mais en pièces détachées inactives qui flottent paisiblement dans le cytoplasme sans faire de mal à personne. C’est leur association, provoqué par l’émission de cytochromes c par les mitochondries, en un complexe étoilé qui va initier le processus d’apoptose.

La forme et la taille de l’apoptosome varient d’une espèce à l’autre et plusieurs structures ont pu être déterminées aux fils des ans, notamment grâce aux techniques de type cryo-EM, qui permettent de s’attaquer aux objets moléculaires de très grande taille.



De gauche à droite : Apoptosomes humain (pdb 3j2t), de la drosophile (pdb 3iz8) et du vers C. Elegans (pdb 4m9x)
La formation de l’apoptosome dans une cellule entraîne l’activation des caspases, qui sont une arme de destruction massive à l’échelle de celle-ci. Les caspases appartiennent en effet à la catégorie des protéases, soit des enzymes chargées de découper les autres protéines en petit morceaux. Il en existe une quinzaine de variétés différentes (nommées caspase 1, 2, 3… en tout simplicité) est c’est la caspase 9 (CASP9 pour les intimes) qui va se retrouver activée par l’apoptosome, avant d’aller activer à son tour ses cousines CASP3 et CASP7. À partir de là, toutes les protéines indispensables au bon fonctionnement de la cellule, ainsi que son ADN, vont finir en miettes les unes après les autres et la pauvre cellule est donc condamnée.

Comme dit plus haut, l’apoptose est un phénomène indispensable au développement et à la bonne santé d’un organisme. Le blocage ou l’activation intempestive de l’apoptose sont tous deux impliqués dans diverses pathologies (cancers, mais aussi maladies dégénératives ou VIH), et les constituants de l’apoptosome et les caspases sont donc l’objet de nombreuses recherches médicales. En 2002, le Prix Nobel de médecine a d’ailleurs été attribué à Robert Horvitz et John Sulston pour leurs travaux ayant permis d’élucider le processus de mort cellulaire.
Pour en savoir plus :
- L’apoptosome est la molécule du mois de septembre 2014 (en anglais)
- Les caspases sont la molécule du mois d’août 2004 (en anglais)