On sait déjà que les calamars ont de beaux yeux grâce aux cristallines, mais on peut également s’extasier sur leurs facultés de camouflage hors du commun et leur capacité à changer de couleur à volonté.

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Cet art du déguisement à nul autre pareil, les calmars (mais aussi les autres céphalopodes comme les pieuvres et les seiches) le doivent à leurs tissus réflectifs aux multiples pouvoirs. Chez certaines espèces, ces tissus hébergent des bactéries bioluminescentes, Vibrio fischeri, qui vivent en symbiose avec le calmar. Et celui-ci est capable de moduler leur émission lumineuse à sa guise. On y trouve également des cellules de type chromatophores, qui contiennent des pigments, et dont la taille peut varier avec la contraction des muscles peauciers.

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Gros plan sur la peau du calmar et ses chromatophores en action

Enfin, les tissus réflectifs hébergent des cellules dites iridophores, qui contiennent des structure en plaquettes formées d’une famille de protéines spécifiques aux céphalophodes, les réflectines. Ces protéines, qui ont été découvertes il y a moins de vingt ans chez une espèce de calmar hawaïen ont la capacité de s’auto organiser en couches présentant des indices de réfraction différents. Or l’indice de réfraction, c’est ce qui détermine le comportement de la lumière dans un milieu et notamment sa déviation lorsqu’elle va pénétrer celui-ci. En jouant sur l’indice de réfraction des couches de réflectines dans les iridophores, le calmar va pouvoir moduler la façon dont la lumière incidente sera réfléchie, et donc son apparence. Ce qui est d’un intérêt certain quand on veut se faire discret, que ce soit par rapport à des prédateurs ou à des proies potentielles.

Au niveau moléculaire on en sait encore assez peu sur les réflectines. À l’heure actuelle, environ une trentaines de séquences sont disponibles dans la base de donnée UniProt. Les réflectines connues viennent de calmars ou de seiches, et au sein d’un même organisme elles possèdent des séquences très proches, qui sont caractérisées par la répétition d’un motif d’une vingtaine d’acides aminés. Malheureusement, on ne dispose pas encore de structure pour ces protéines, mais les expériences semblent indiquer une coexistence entre des zones désordonnées (et qui peuvent donc facilement changer de structure), et des feuillets β.

Les propriétés optiques uniques des réflectines ont cependant suscité l’intérêt de l’armée américaine, qui a entrepris de les exploiter pour la mise au point de matériaux de camouflage. C’est ainsi qu’un groupe de chercheurs californien a mis au point un revêtement à base de réflectine, qui lorsqu’il est soumis à un stimuli chimique peut, de manière réversible, devenir invisible sous une caméra infra-rouge. Une propriété appréciable lorsque l’on souhaite opérer discrètement de nuit. Plus récemment, des expériences sur les réflectines in vitro ont permis de mimer le changement de couleur dynamique dans les iridophores, qui serait du à des changement dans la structure des assemblages de protéines. Ces assemblages pouvant refléter et disperser la lumière de diverses façons.

Comme quoi la fameuse cape d’invisibilité de Harry Potter contenait peut-être un ingrédient inattendu !

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Invisibles certes,  mais pas forcément inodores… (image de Natacha Gillet)