Les cytokines sont un groupe hétérogène de protéines et de glycoprotéines qui sont impliquées dans la signalisation cellulaire. Partant d’une cellule émettrice, elles vont se fixer sur des récepteurs spécifiques placés au niveau de la membrane des cellules cibles et induire une cascade de réactions pouvant aboutir à des résultats divers : activation, prolifération, différentiation ou encore mort cellulaire.

Deux exemples d’interférons de type I (INF-α humain, en violet, pdb : 1itf) et de type II (INF-γ bovin, en vert et orange, pdb : 1rfb)

Si le terme cytokine (construit sur les termes grecs pour cellule et mouvement) a été forgé dans les années 70 par Stanley Cohen, la première cytokine connue des biologistes a été identifiée 20 ans plus tôt. Il s’agit de l’interferon-α, dit aussi interferon de type I, une protéine découverte en 1957 par Alick Isaacs et Jean Lindenmann, et qui doit son nom à capacité à interférer avec la réplication virale. Depuis cette famille s’est élargie et l’on connait désormais plus d’une vingtaine d’interférons répartis en trois catégories (α, β et γ), qui jouent un rôle clé dans la réponse immunitaire et inflammatoire d’une cellule face à un pathogène. Dans leur fonctionnement type, les interférons seront produits par une cellule infectée lorsque celle-ci détecte la présence de corps étrangers (ARN viral, toxine virale ou bactérienne, mais aussi protéines exprimées par les cellules tumorales) et vont servir à avertir les cellules avoisinante qu’il est temps d’activer leurs défenses immunitaires. Les cellules averties vont aussi réduire leur activité de synthèse protéiques, ce qui va empêcher la réplication virale si elles sont infectées à leur tour. Ce système d’alarme cellulaire est également responsable de certains des symptômes (douleurs musculaires et fièvre) qui apparaissent lorsque que notre organisme lutte contre une infection. Actuellement les interférons sont utilisés dans plusieurs traitement médicaux contre les maladies virales (hépatite, VIH), en cancérologie, ou pour traiter la sclérose en plaque.

3bestetra
Quand le virus contre attaque : le virus ectromelia, qui cause une variante de la varicelle chez les souris, produit une protéine (en rouge) qui va se fixer aux interférons produits par la cellule infectée (en bleu) et ainsi bloquer leur activité (structure pdb 3bes).

Mais il arrive parfois que notre organisme réagisse de manière disproportionnée face à un pathogène et libère une quantité excessive de cytokines. On se retrouve alors face à une tempête de cytokines (ou choc, ou orage cytokinique), qui va elle même induire une réaction violente du système immunitaire, ce qui peut notamment aboutir à un syndrome de détresse respiratoire et être mortel pour l’organisme infecté. Paradoxalement, ce problème touche majoritairement des adultes par ailleurs en bonne santé, alors que les enfants (au système immunitaire encore immature) et les personnes âgées (à l’immunité faible) seront plutôt épargné·e·s. On soupçonne aujourd’hui ce phénomène d’être à l’origine de la forte mortalité observée lors de l’épidémie de grippe espagnol de 1918. Plus récemment, les tempêtes de cytokines ont été associées à la mortalité observée lors le la première épidémie de SRAS en 2003 et dans l’épidémie de CoViD-19 de 2020. C’est pourquoi plusieurs essais cliniques en cours dans la recherche sur le SARS-CoV-2 concernent des molécules qui vont cibler des cytokines.

Pour en savoir plus :

Cytokines ou hormones, c’est pareil ?

Les hormones et les cytokines ont des points communs, à savoir qu’elles servent toutes deux à la communication entre différentes parties de l’organisme, néanmoins on peut pointer quelques différences entre ces deux types de composés :

  • Divers types de molécules (lipides, cholestérol ou peptides) peuvent tenir le rôle d’une hormone, les cytokines quant à elles sont toutes des protéines ou des glycoprotéines.
  • Alors que toutes les cellules de notre organisme sont susceptible de produire des cytokines, les hormones sont elles synthétisées dans des cellules spécifiques présentes dans un organe dédié (une glande endocrine).
  • Notre organisme produit des hormones en continu, mais leur niveau de production peut par contre varier au cours du temps. Dans le cas des cytokines, la production est ponctuelle, en réponse à une infection de la cellule par un pathogène
  • Les cytokines permettent principalement à une cellule de communiquer avec ses voisines, ce qui va permettre dans un premier temps de circonscrire la réaction inflammatoire au niveau local (en l’absence de tempête). Les hormones peuvent parcourir de grandes distances via le système sanguin avant d’atteindre leur cellule cible. Ainsi la vasopressine, produite par l’hypothalamus, va principalement agir comme antidiurétique au niveau des reins.